« Le moral suit la météo… et la géopolitique »
Agriculteur à Itteville (Essonne), Thierry Desforges est vice-président de l’Union de l’Essonne, membre du bureau de la FDSEA Île-de-France et administrateur de la FRSEA Île-de-France.
« Choisir le métier d’agriculteur, c’est d’abord accepter ses contraintes, ses aléas, sa rudesse, ses stigmates parfois. C’est aussi accepter de vivre avec le millefeuille administratif, la volatilité des marchés, la complexité règlementaire… C’est enfin et surtout accepter de s’adapter au climat, au potentiel du sol dont on dispose et à la météo.
Force est de constater qu’il y a des années (appelons-les »campagnes ») où les planètes s’alignent plus ou moins, et la diversification des productions permet normalement de compenser la faible rentabilité d’un atelier par les excédents d’un autre.
Mais est arrivé 2023, puis 2024… D’abord, la stratégie de la Russie sur les marchés des commodités agricoles a entraîné l’ensemble du Matif (Marché à terme international de France) dans une spirale baissière, renforcée par les accords Union européenne/Ukraine qui ont fait plonger plusieurs filières (céréales, sucre, volailles, porc…). Après des achats de moyens de production au plus cher, c’est le redouté »effet ciseaux » que nous traversons. Les trésoreries des exploitations sont en grande tension, et les perspectives laissent planer l’inquiétude dans la plaine depuis la fin de l’année dernière.
Car si on peut espérer un rebond sur les marchés, tirés par la demande mondiale et une production plus faible de certaines commodités, la météo capricieuse et les excès d’eau qui se poursuivent amputent sérieusement les potentiels des grandes cultures, principales productions de notre territoire.
Face à cette situation inédite, je pense que les mesures en cours de mise en oeuvre — le compte n’y est toujours pas ! — doivent être accompagnées par des dispositifs conjoncturels, qui doivent associer l’État français, la Région Île-de- France, mais aussi l’Europe, qui doit sérieusement envisager dans son effort de guerre de mettre en oeuvre un dispositif d’intervention sur les marchés agricoles. Afin de répondre aux enjeux de souveraineté alimentaire, nous attendons que tous les politiques se mettent au boulot pour sauver le soldat Agri ! »