« Les facturent ne passent plus »
Agriculteur aux Alluets-le-Roi (Yvelines), Olivier Gousseau est président du syndicat local de Maule et administrateur de la FDSEA Île-de-France.
« En France, depuis la révolution industrielle, nous avions simplement l’équation suivante : le travail supporte le social. Dans les années 70 est apparue l’écologie, qui a mis en avant l’environnement. Nous, agriculteurs, avons toujours fait de l’écologie par notre travail sans le revendiquer. L’aboutissement de l’écologie a été le développement du bio, mais produire bio nécessite d’avoir un soutien économique sur la durée.
Avec le premier choc pétrolier de 1973, nous avions vécu une première crise énergétique remettant en cause de nombreux projets. En 2022, avec la guerre en Ukraine, le prix de l’énergie a flambé. La France bénéficiait pourtant d’une grande puissance nucléaire mais pour satisfaire un mouvement politique, les gouvernements successifs ont stoppé le développement du nucléaire sans en mesurer les conséquences et sans solution alternative.
Ce procédé dupliqué à outrance nous conduit dans des impasses.
Le matériel agricole a augmenté de plus de 30 %, les engrais c’est + 300 % en deux ans, le GNR + 50 % en une campagne, les produits phytos + 22 % en deux ans, la masse salariale a augmenté de 6 % suivant l’inflation.
Heureusement, le prix de vente des céréales et des oléagineux a augmenté de 50 % entre 2021 et 2022, mais notre Président de la République, en 2023, pour éviter une forte inflation sur le prix des aliments, cherche à développer à tout prix l’importation des céréales. Ce qui a pour conséquence de baisser les cours des céréales. On sacrifie une fois de plus le monde paysan pour faire infléchir l’inflation. Cette stratégie est vaine car la machine inflationniste s’emballe (au 1er février, EDF + 15 %, les péages autoroutiers + 4,75 %…).
Nous étions troublés par le maçon qui n’était pas en mesure de maintenir le prix de ses devis plus d’un mois, cette problématique nous arrive également, sachant que nous subissons l’augmentation des charges et que le prix de nos ventes de céréales reste dépendant des influences politiques.
En 2022, les factures des ETA ont dû augmenter de 12 % pour couvrir uniquement la hausse du GNR. Les ETA ne peuvent tenir compte de toutes les augmentations qui ne seraient pas supportées par leurs clients.
Aujourd’hui, faire une facture de travaux doit tenir compte du social, de l’environnement, de l’énergie et d’une grosse dose d’inflation… Mission impossible, le monde agricole ne peut supporter 50 % d’augmentation de charges avec des contraintes de plus en plus nombreuses. Nos factures explosent, nous ne pouvons plus supporter des coûts environnementaux supplémentaires. Le glyphosate est passé de 3 euros le litre à 17 euros le litre en dix ans par les éco-taxes successives, avec une utilisation de plus en plus restreinte et une possible interdiction comme beaucoup de molécules fin 2023 sans aucune mesure alternative, fragilisant notre activité.
Sachant que l’agriculture est une industrie lourde à 3 % de bénéfice, comment supporter des charges d’une telle ampleur en une seule année ?
J’écris ces lignes à quelques heures de la manifestation qui nous conduira à Paris en tracteur pour dénoncer de nombreuses filières agricoles en danger d’extinction en France (la cerise, la fécule de pomme de terre, les pommes, les endives, les betteraves…).
Dans une période très inflationniste, c’est du suicide de nous rajouter des charges environnementales supplémentaires. Arrêtez de charger le navire, il coule ! »
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