Agriculteur à Hérouville (Val-d’Oise), Romain Coubriche est aussi administrateur de la FDSEA Île-de- France.
Horizons : Au lendemain du Salon de l’agriculture, dans quel état d’esprit êtes-vous ?
Romain Coubriche : J’ai le sentiment d’être totalement perdu quant aux décisions à prendre pour mon exploitation. Le contexte actuel nous donne peu, voire pas, de visibilité, même à court terme et c’est de plus en plus difficile à vivre au quotidien. Je ne sais même pas s’il faut que j’investisse encore dans ma ferme. Les attaques et les difficultés s’amoncellent de toute part : les ZNT, l’agribashing, les hausses de charges… On se sent attaqués sans cesse et pour les ZNT, par exemple, la science n’a pas sa place. On ne nous fournit aucune explication quant à l’application concrète de ce nouveau décret. C’est vraiment déroutant.
Horizons : Vous avez décidez d’être candidat sur une liste de votre village aux élections municipales. Pourquoi ?
Je veux être acteur face à cette cohabitation de plus en plus difficile avec les habitants. À Hérouville, nous sommes 700 habitants et le maire est très attaché au caractère rural du village. Malgré tout, de plus en plus de riverains nous considèrent comme des pollueurs et nous demandent de passer à l’agriculture biologique. Pour le moment, il n’y a pas d’animosité dans les débats mais de plus en plus de questions auxquelles je souhaite répondre avec le plus de transparence possible pour tenter d’améliorer le « vivre ensemble » et je suis persuadé que cette place au sein de l’équipe municipale pourra y concourir. Quand des questions agricoles seront posées, je pourrai y répondre plutôt que de laisser la place à quelqu’un d’autre.
Horizons : Cette incertitude dans votre quotidien vous pousse-t-elle à prendre d’autres décisions ? Au sein de votre exploitation par exemple ?
Non, c’est même le contraire. Ce manque de visibilité paralyse un peu l’activité à la ferme. Même pour changer un tracteur, j’y réfléchis à deux fois. Face aux prix qui chutent, aux charges qui augmentent, je m’interroge sur une nouvelle source de revenus. J’ai étudié les possibilités de me lancer dans la méthanisation ou le photovoltaïque, mais ce sont des projets lourds à porter, très longs à mettre en place et remplis de contraintes pour une exploitation comme la mienne située en plein coeur du Parc naturel régional du Vexin français. Cela ne répond pas à la problématique car j’aurais besoin de solutions immédiates et non à long terme, et puis ce sont des activités éloignées de la production céréalière, notre coeur de métier. C’est un discours un peu fataliste mais c’est malheureusement le reflet de l’état d’esprit de bon nombre d’agriculteurs qui ne savent plus vraiment quelle direction prendre.
PROPOS RECUEILLIS PAR MARINE GUILLAUME