« Nous avons besoin de visibilité à moyen terme »

Agriculteur à Belloy-en-France (Val-d’Oise), Thibaut Sainte-Beuve est administrateur de la FDSEA Île-de- France.

« Aujourd’hui, nous devons naviguer dans un monde d’incertitudes et de complexité qui ont rarement été aussi importantes. Neuf mois de pluie ont marqué nos plaines et nos cultures, avec parfois des résultats catastrophiques. Comme le marché mondial reste bas, nos marges vont virer au rouge, au moins sur les cultures d’automne.

Ces difficultés agronomiques interviennent dans un contexte politique incertain. Il y a des positionnements assez aigus sur notre métier. Nous pensions avoir avancé et porté nos revendications, grâce à la mobilisation de l’hiver et du printemps, mais toutes les cartes ont été rebattues. Nous ne savons pas quelles vont être les politiques conduites à la fois au niveau européen et français. Or nous avons besoin de visibilité à moyen terme, étant dans des cycles longs.

Nous allons nous retrouver dans des moments difficiles de pilotage. Faut-il investir, en admettant que l’on en ait encore les moyens ? Quelles orientations choisir ? Prenons un exemple concret : aujourd’hui, certains exploitants ont décidé de se lancer dans la production de noix ; mais les noyers commencent à être touchés par l’anthracnose. Si on interdit à ces exploitants d’utiliser des produits phytosanitaires adaptés, ce sont de lourds investissements qui sont ainsi remis en cause.

Irrigation, méthanisation, diversification de cultures : nous allons sans doute être obligés de mettre ces nouvelles stratégies en pause, car nous ne connaissons pas les nouvelles règles qui peuvent être appliquées au niveau français ou européen, parfois de manière abrupte.

Face à cette situation, nous sommes contraints d’avancer pas à pas. D’abord, il faut finir la moisson… et l’oublier le plus vite possible ! Même si elle va se rappeler à nous pendant encore de nombreux mois. Ensuite, il faut faire le dos rond sur le plan financier, pour absorber ces résultats. Enfin, nous allons devoir mettre entre parenthèses certains investissements, le temps que la situation politique s’éclaircisse.

En espérant ne pas se retrouver confrontés à une nouvelle dissolution, qui remettrait à nouveau tout à plat. Il faut que nos politiques comprennent que dans nos métiers, les décisions se prennent pour cinq à huit ans. Nous ne pouvons pas tout remettre en cause constamment. »