« Nous avons besoin de moyens de production efficaces »
Jean-Philippe Garnot, agriculteur à Coupalay (Seine-et-Marne) et président de la Confédération générale des planteurs de betteraves (CGB) Ile-de-France.
« Le 10 août dernier, la CGB faisait paraître un communiqué de presse intitulé Jaunisse de la betterave : le pire devrait être évité en 2023 mais l’engagement de compenser intégralement les pertes de rendement doit être respecté.
En effet, en interdisant l’utilisation des NNI (néonicotinoïdes) en enrobage de semences, la Cour de justice européenne replongeait, en janvier dernier, la filière betterave-sucre dans l’impasse. Nous pouvions craindre une baisse de surface importante mais l’annonce de prix rémunérateurs pour cette récolte 2023 a amoindri ce risque. L’agriculteur francilien ayant toujours en mémoire l’année 2020 a assumé son choix, la peur au ventre. Il a aussi voulu préserver l’outil industriel, coopératif et privé, prolongement indispensable de la culture. Notre région a perdu malgré tout 15 % de ses surfaces betteravières, la plus forte baisse nationale.
C’est avec de nombreux passages d’aphicides et une présence de pucerons relativement limitée ce printemps que nous constatons aujourd’hui une pression jaunisse faible à modérée, en moyenne, car cela cache des disparités : la plupart des secteurs sont indemnes mais certaines parcelles présentent des symptômes à plus de 50 %. Si la crise n’est pas généralisée — et heureusement —, n’oublions pas ceux qui sont touchés, même s’ils sont peu nombreux.
Nous attendons toujours des propositions de l’État sur un mécanisme d’indemnisation qui puisse respecter l’engagement du ministre de compenser intégralement les pertes économiques liées à la jaunisse. Ce sont les dernières tonnes qui font notre revenu, rappelons-le ! Nos charges de production, charges variables et charges de structure, sont passées de 2 200 euros/hectare en 2020 à 3 000 euros/hectare en 2023… Ceci nécessitera un prix vraiment rémunérateur pour que l’agriculteur continue à faire de la betterave.
Certaines annonces à plus de 50 euros/tonne nous paraissent de bon augure. Les prélèvements de betteraves réalisés ces dernières semaines font apparaître, grâce aux pluies de début août, un rendement racine supérieur à la moyenne cinq ans dans notre région mais avec une richesse encore faible. S’il est encore trop tôt pour se prononcer tant sur l’impact de la jaunisse que sur un rendement betteravier national, l’optimisme est davantage dans les esprits des planteurs, mais la prudence aussi.
Le traumatisme de 2020 est grand et la filière, encore fragilisée par les épisodes vécus depuis cinq ans, doit être rassurée et confortée tant d’un point de vue économique que technique et génétique, pour éviter de jouer l’avenir de nos exploitations betteravières à la roulette russe chaque printemps, en pariant sur une faible population de pucerons. Nous avons besoin de moyens de production efficaces. »