« Que mangera-t-on dans six mois ou dans cinq ans ? »
Thibaut Sainte-Beuve est agriculteur à Belloy-en-France (Val-d’Oise) et administrateur de la FDSEA Île-de-France.
« Dans un de ses spectacles, l’humoriste Jean-Marie Bigard disait : «Quand on nous souhaite bon appétit, la grande angoisse c’est de savoir si on aura de l’appétit ». Aujourd’hui, on pourrait décliner et se demander : « En 2023, trouvera-t-on tout ce qu’on veut manger ? ».
Peu à peu ces dernières années, l’agriculture est passée au énième rang des préoccupations de notre gouvernement. Les lois et réglementations s’amoncellent et pénalisent beaucoup trop souvent le facteur production de nos exploitations. Conjugués à des problématiques géopolitiques d’envergure, des épisodes de pénuries qu’on aurait pas soupçonnés se font jour.
Le dernier plan de relance pour l’autosuffisance alimentaire date de la fin de la Seconde guerre mondiale. Aujourd’hui, les rayons manquent de moutarde. À l’heure des premiers barbecues, nous en sommes encore à nous demander si nous aurons de la moutarde au vu des rayons des supermarchés et de la météo canadienne, bis repetita…
Et demain ? Qu’en sera-t-il des fruits et légumes dans un contexte où l’on observe bien toute la complexité sur le sujet de l’irrigation par exemple ? Nous n’imaginions pas il y a vingt-cinq ans qu’il serait aujourd’hui possible de manquer de certaines denrées.
Le budget des ménages consacré à l’alimentation était passé de 40 % à 20 % ces dernières années. Il se pourrait qu’on se rapproche des 40 % prochainement, avec des produits standard qui vont devenir luxueux…
Le Sénat est à cet instant la seule institution qui alerte sur la nécessité de proposer des solutions pour sortir l’agriculture française des impasses qui se présentent à elle. Il est grand temps, avant qu’il ne soit trop tard. Car personne aujourd’hui ne se préoccupe de ce que nous mangerons dans six mois ou dans cinq ans. »