« Les agriculteurs disent non à la violence »
Agriculteur à Itteville (Essonne), Thierry Desforges est vice-président de l’Union de l’Essonne, membre du bureau de la FDSEA Île-de-France et administrateur de la FRSEA Île-de-France.
« Difficile de prioriser les sujets qui ont fleuri avec le retour du printemps, tant ils représentent chacun un caractère déterminant pour la survie de nos filières et de notre profession. Soyons lucides, le sujet du moment reste les impasses techniques auxquelles nous sommes confrontés :
– les planteurs de betteraves avec des alternatives inefficaces dans la gestion des pucerons ;
– les arboriculteurs face à la Drosophila suzukii (cerises) et aux pucerons cendrés (pommiers) ;
– les producteurs d’endives sans outil de désherbage autre que la binette.
La menace de retrait de plus de 50 % des solutions techniques sans alternative pourrait précipiter de nombreuses filières franciliennes dans une voie mortifère, et cela dans les tout prochains mois.
Il s’agit donc de comprendre l’origine de cette menace technocratique militante. L’actualité des dernières semaines est symptomatique. Je pense d’abord aux actions co-organisées par la Confédération paysanne et EELV, dans un amateurisme aussi criant que la violence qu’ils véhiculaient, tout cela pour permettre à un parti politique associé à un syndicat agricole d’exister sur le plan médiatique. Des actions d’une violence telle que Christiane Lambert aura consacré une partie de son dernier congrès à la tête de la FNSEA à demander la dissolution du syndicat représentant 10 % des agriculteurs.
Accordons-nous sur l’importance de l’eau, source de vie et de nourriture. Partout dans le monde, elle mérite une attention toute particulière, elle mérite d’être protégée, prélevée avec précaution, réservée à des usages privilégiés et partagée dans l’intérêt collectif. C’est jusqu’à présent la position que les agriculteurs ont toujours tenue, au sein des Organismes uniques de gestion collective (OUGC), y compris lorsqu’ils participent au Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM). Elle ne doit être ni le nid d’une forme de terrorisme, ni le terreau d’une lutte de pouvoir politique. C’est pourquoi j’invite les élus à faire preuve de discernement et d’appel au calme.
Je pense aussi aux actions d’Extinction rebellion, à l’usurpation d’identité, au viol du droit de propriété sur le hashtag #sauvetonpaysan, ciblant directement notre grande famille francilienne, lorsque nous avons manifesté le 8 février dernier à Paris pour défendre la survie de plusieurs filières (betteraves, pommes, endives, cerises…). Nous devrons être en mesure de répondre beaucoup plus efficacement à ce genre d’attaque, avec l’acquisition de compétences en matière de lutte contre le piratage informatique.
Enfin, je m’interroge sur l’attitude hostile de la Coordination rurale dans le Lot-et-Garonne à l’envers d’EELV. Les combattre idéologiquement : oui ; les confronter à leurs responsabilités : oui ; dénoncer leurs méthodes indignes et le harcèlement moral : oui. Mais toujours laisser la porte ouverte pour le dialogue, car ne nous trompons pas, la puissance et les moyens financiers sont de leur côté (lobbying redoutable, armes nombreuses et dangereuses, recours juridiques…).
L’agriculture ‘‘sans solution’’ que nous avons dénoncée avec succès le 8 février vient se confronter à une agriculture d’opposition, chère à des associations et des partis toujours plus hostiles et prêts à en découdre. Plus que jamais, soyons fiers et soyons solidaires ! »