« Si ce n’est pas nous qui produisons du sucre avec des normes sensées, d’autres pays s’en chargeront avec d’autres règles »
Agriculteur à Hérouville (Val-d’Oise), Romain Coubriche est administrateur de la FDSEA Île-de-France.
« L’annonce brutale de la non-reconduction de la dérogation sur les néonicotinoïdes est tombée, pour nous agriculteurs, comme un couperet. À quelques semaines seulement du début de la campagne betteravière, les cartes sont rebattues et c’est proprement inacceptable.
Passé le choc de la décision, on se demande forcément quelles seront les prochaines molécules dans le viseur de nos décideurs. Aujourd’hui les néonicotinoïdes, demain le S-métolachlore et après-demain ? Un à un, nos moyens de production nous sont retirés.
J’ai du mal à comprendre nos pouvoirs publics qui se laissent dicter quoi faire par des écologistes jusqu’au-boutistes alors que notre agriculture française est la plus sûre, la plus saine, la plus traçable du monde. La France devrait être fière de son agriculture et de ses agriculteurs et au lieu de cela, on démantèle, mois après mois, toute une profession.
Je m’interroge : quelle est la volonté finale du gouvernement ? Nous avons besoin d’une vision claire et pérenne, tout particulièrement dans ce contexte de hausse des charges et de volatilité des prix… Mais aujourd’hui, les agriculteurs ne comprennent plus rien. Compte-t-on encore sur nous pour nourrir le monde ou sommes-nous relégués à l’entretien des paysages ?
Plus que jamais nous avons besoin de bon sens et de pragmatisme. Alors que les tensions géopolitiques mondiales sont à leur paroxysme depuis la dernière guerre mondiale, il est à mon sens irresponsable de prendre de telles décisions qui mettent à mal l’agriculture française et la souveraineté alimentaire de notre pays.
Une chose est sûre, en mettant ainsi à terre la filière sucrière française, le gouvernement français fait le jeu des autres pays producteurs de sucre. Je ne doute pas que les écologistes seront ravis d’apprendre que des pays comme le Brésil tiendront leur rang de champions de la déforestation amazonienne pour planter toujours plus de canne à sucre ! Car oui, la planète a toujours faim, oui il faut toujours produire autant, voire plus, de sucre. Et si ce n’est pas nous, producteurs français, qui nous en chargeons avec des normes sensées, cohérentes et dignes d’une agriculture responsable telle que nous la pratiquons, d’autres pays s’en chargeront avec de toutes autres règles du jeu… au détriment de la planète et de la santé humaine. »